Communiqué de presse de L’OBSERVATOIRE NATIONAL DU CADRE DE VIE sur le projet de loi Climat et Résilience, le 9 juillet 2021
La sobriété foncière et le cadre de vie
Le 9 juillet 2021, l’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU), l’Association Française Interprofessionnelle des Écologues (AFIE), la Fédération des SCoT, l’Union nationale des Aménageurs (UNAM) et l’Ordre des géomètres-experts (OGE) se sont réunis dans le cadre de l’Observatoire national du Cadre de Vie pour livrer leurs réflexions sur le projet de loi Climat et Résilience avant son passage en Commission Mixte Paritaire le 12 juillet prochain. Ces observations sont compilées dans la note que nous vous proposons de consulter ici en exclusivité.
Contexte
Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dit « climat et résilience ») vient traduire sur le plan législatif les attentes exprimées par la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi donner corps aux ambitions du Gouvernement de réduire considérablement le rythme actuel de l’artificialisation des sols (Plan National Biodiversité, 2018). Ainsi, le titre IV « Se loger » comporte une série de mesures visant à renforcer la lutte contre l’artificialisation des sols, en définissant une trajectoire de sobriété foncière, dont l’objectif est d’atteindre à l’échelle du pays le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050.
L’Observatoire National du Cadre de Vie (ONCV), qui regroupe des professionnels de l’aménagement et des acteurs du cadre de vie, se propose d’analyser les attentes, les besoins et les aspirations des citoyens en matière de cadre de vie et d’identifier les leviers pour construire une vision fédératrice du cadre de vie et de l’urbanisme de demain.
En s’appuyant sur une approche scientifique, pluridisciplinaire et transversale, la mission de l’ONCV est d’être à l’écoute du citoyen et d’accompagner les pouvoirs publics, les élus locaux et les professionnels de l’aménagement dans la définition et l’évaluation des mesures visant à améliorer le cadre de vie de chacun.
A ce titre, les membres de l’Observatoire, veulent affirmer leur adhésion à cet objectif ambitieux et tiennent à identifier les points de vigilance. Ils souhaitent formuler des propositions pour allier réduction de l’artificialisation des sols, préservation de la biodiversité et des espaces agricoles et création d’un cadre de vie répondant aux attentes des français.
Les membres de l’ONCV affirment la nécessité de développer une approche contextualisée des objectifs de réduction de la consommation foncière en vue de favoriser un aménagement équilibré des territoires. Ils rappellent que chaque territoire a sa propre spécificité et que les objectifs doivent être déclinés conformément à la typologie de ceux-ci.
Ils considèrent, en tant que professionnels du cadre de vie, que la traduction opérationnelle de la politique de sobriété foncière ne doit pas constituer un frein, voire un obstacle, au développement économique des territoires et à l’offre de logements qui doit répondre aux besoins démographiques et aux attentes de la population en termes de qualité et de confort de vie avec une offre à coût abordable.
La nécessité d’un nouveau modèle d’aménagement du territoire
Les membres de l’ONCV constatent au quotidien, à l’instar des objectifs du projet de loi « climat et résilience » que les élus et les collectivités s’approprient de plus en plus l’objectif de lutte contre l’étalement urbain. En témoignent la multiplication des SCoT et des PLU vertueux et les chiffres encourageants en matière d’artificialisation et d’efficacité de l’urbanisation depuis 20091. Il est nécessaire de rappeler que le temps de l’urbanisme est un temps long et ce n’est que récemment que les réformes successives des vingt dernières années ont commencé à produire leurs effets. Ainsi, les constats relatifs au rythme actuel de l’artificialisation doivent être affinés et interprétés avec prudence.
En effet, les données doivent être analysées avec finesse, la question de l’échelle de mesure s’avère primordiale pour obtenir des chiffres objectifs. En tout état de cause, ils ne doivent pas conduire à l’application de mesures radicales susceptibles d’entraîner des blocages dans le développement des territoires.
Les membres de l’ONCV espèrent que l’application de nouveaux objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation des sols entraînera une amélioration de la qualité de la conception des projets urbains et des opérations de construction, associée à une approche contextualisée des enjeux environnementaux. Or, ils constatent avec regret l’absence d’une vision plus large, transversale et ambitieuse qui, au-delà des simples calculs mathématiques de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), fixe le cap d’une réelle stratégie d’aménagement fondée sur la compatibilité entre le projet de territoire et les projets opérationnels.
Force est de constater qu’un nombre important de communes rurales ou de villes moyennes ont été fortement impactées par les transformations des modes de vie et d’habitat qui ont émergé ces dernières décennies. Les membres de l’ONCV craignent qu’une application très uniforme, centralisée, en logique « top-down », ne conduise à bloquer le développement de ces territoires, rendant ainsi inopérantes des actions menées, par exemple, à travers les programmes « Petites Villes de Demain » ou « Action Cœur de Ville ». Il est nécessaire de promouvoir l’aménagement équilibré de tous les territoires et ce, d’autant plus, que le télétravail associé au développement des outils numériques à haut débit est une chance à saisir pour revitaliser certains territoires en déprise.
Ils estiment que la mise en œuvre des objectifs de sobriété foncière doit répondre à une dynamique de contextualisation et de territorialisation qui passe par une nécessaire adaptation des objectifs et des outils aux spécificités et aux besoins de chaque territoire, qu’ils soient sociaux, économiques ou environnementaux. Il s’agit notamment d’encourager le développement mesuré et raisonné des pôles urbains secondaires ou tertiaires et d’améliorer l’attractivité des zones rurales. Le développement maitrisé est un moyen de conforter, voire de sauvegarder, les services et équipements de proximité sans porter atteinte à la biodiversité. La redynamisation du monde rural est un enjeu majeur pour réduire les déplacements pendulaires générés par l’hyper métropolisation et répondre aux aspirations de citoyens qui y vivent, et ont choisi d’y habiter.
Enfin, la notion d’artificialisation des sols, qui a fait l’objet de nombreux débats notamment depuis la parution de l’instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 a été affinée même si elle reste à ce stade trop abstraite selon les membres de l’ONCV et mérite d’être clarifiée. Si cette définition a connu des améliorations importantes lors de l’examen du projet de loi, notamment par l’intégration d’éléments relatifs à la fonctionnalité des sols, les membres de l’ONCV souhaitent toutefois rappeler que l’approche est multiscalaire, multithématique et qu’elle doit être axée sur le projet. Ils souhaitent attirer l’attention sur la nécessité d’avoir une approche duale dans et hors enveloppe urbaine existante. Une meilleure caractérisation objective des espaces et de leur rôle pour la biodiversité est nécessaire et leur mise en œuvre sera facilitée si les élus, la population et les professionnels du cadre de vie peuvent s’approprier les enjeux facilement.
Conforter l’offre de logements et sa qualité
L’application des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols aura pour effet de réduire encore plus le foncier disponible, avec pour conséquence directe une hausse des prix du foncier et des logements. Or, les besoins en augmentation liés à la hausse de la population et du nombre des ménages nécessitent plus que jamais de concilier sobriété foncière et constructions de logements à un coût abordable.
Les membres de l’ONCV craignent que les nouveaux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols viennent freiner la politique volontariste du gouvernement en matière de construction de logements, alors que les objectifs annuels de production de logements n’ont jamais été atteints et que le nombre de mises en chantiers est actuellement à la baisse.
Ainsi, dans les années à venir, élus, collectivités, acteurs de l’aménagement et de la construction devront apprendre à concilier les objectifs de sobriété foncière et les objectifs de construction de logements tout en répondant aux attentes des français en matière de cadre de vie.
A ce titre, le baromètre réalisé par l’ONCV à l’occasion de son lancement en septembre 20192 démontre que les français considèrent la proximité de la nature et le logement comme des composantes essentielles de leur cadre de vie. En ce qui concerne le logement, sa surface, la qualité de son isolation thermique, ainsi que son prix sont les principaux facteurs de satisfaction. Enfin, cette enquête confirme l’appétence des français pour le logement individuel, 80% le préférant aux logements collectifs, rajoutant à l’équation l’acceptabilité sociale par les habitants des mesures qui pourront être prises.
Les membres de l’ONCV sont persuadés que les crises successives que nous avons traversées ces dernières années n’ont fait que renforcer ces constats et les prochaines éditions du baromètre du cadre de vie chercheront à les préciser.
La sobriété foncière contribue à la préservation des terres naturelles et agricoles mais aussi à la raréfaction du foncier constructible. Les possibilités de construire sont aujourd’hui tributaires de politiques d’urbanisme volontaristes de la part des élus locaux. L’urbanisme qui crée des valeurs foncières et immobilières en autorisant des constructions de surfaces supplémentaires au sein des espaces déjà bâtis, à travers les plans locaux d’urbanisme, n’a pas encore trouvé le modèle économique lui permettant de garantir les conditions d’acceptabilité de la densification : financement des équipements et des infrastructures liées à l’accueil de nouvelles populations, ainsi que de l’ingénierie de planification et d’accompagnement des projets. Une évolution de la fiscalité immobilière (droits de mutation, taxe sur la plus-value immobilière, …) directement engendrée par ces politiques d’urbanisme permettrait de financer logiquement les élus locaux courageux.
En parallèle, le travail sur le parc existant nécessite un renforcement des aides à la pierre et le déploiement plus large du dispositif « Denormandie », en mettant en oeuvre un véritable plan de résorption de l’habitat vacant, voire insalubre. C’est pourquoi le projet de loi « climat et résilience devra encourager les projets innovants et performants d’un point de vue environnemental, et qui allient sobriété foncière et qualité du cadre de vie.
Affirmer la présence de la nature en ville
Il est également important que les projets développent les espaces de nature en milieu urbain, le paysage étant un vecteur d’acceptabilité de la densité. Ces espaces de nature doivent également participer à la création d’ilots de fraicheur en zone urbaine afin de lutter contre l’accroissement des températures et l’augmentation des ilots de chaleur dans les espaces urbanisés. La reconquête de la nature en ville semble s’affirmer comme une préoccupation de santé publique de plus en plus partagée.
Allier sobriété foncière, aménagement équilibré et qualitatif de tous les territoires, capacité à loger tous les Français, réduction des mouvements pendulaires, amélioration de la prise en compte de la biodiversité, promotion du retour de la nature en ville, lutte contre le réchauffement climatique : tels sont les principaux enjeux auxquels le projet de loi doit répondre en favorisant l’intelligence collective de la chaine des acteurs du cadre de vie.
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